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Par Suzâme le 2 Juillet 2012 à 22:56
Il était une fois, il y a si longtemps, dans une contrée froide et très reculée du monde, dans un château au fond d’une forêt immense, des épouses si sérieuses qu’elles attendaient leurs époux, preux chevaliers. Quand elles étaient bien disposées à cette période qui pouvait être longue et parfois définitive, elles organisaient leur vie de femme entre tâches et loisirs.
Oh il n’y avait pas de bûcheronne ni de menuisière ! Lorsqu’elles n’étaient pas à la broderie, au tissage, à la musique, elles se retrouvaient dans une alcôve aux senteurs alléchantes, cuisines divines pour femmes gourmandes sans pour le moins du monde aider leurs servantes très occupées. L’endroit les inspirait en bavardages et c’est là qu’elles capturaient les rumeurs. Puis elles passaient à la grande salle pour chanter, tourbillonner dans l’allégresse surtout après un repas d’ogresses insouciantes ponctuées de gorgées d’élixir dionysien.
Jusqu’au jour où Maguelone dit une poésie, un délire de fin de festin, une suite de lamentations sur le baiser :
«...Et celui pour qui je pleure
ne possède pas seulement mon corps
Celui qui manque à mon cœur
porte un nom joli qui m’endort
et m’éveille, oui, celui du nom joli de «baiser»
sur le front, sur la nuque parce que c’est encore aimer
Oui, dans l’oreille, sur le sein, ô douce folie
combien de fois j’ai sombré sans lui…»
Ce soir-là, elles étaient comme un bouquet de femmes qui déversaient des larmes par coupes entières et encore plus à l’idée que leurs époux ne reviennent jamais même épuisés mais vaillants de leur quête éternelle. Le souvenir de leur puissance, de leurs désirs en assaut, parfois même de leur violence, attirait à peine une confidence.
C’est Héloïse qui intervint avec sa voix suave d’amoureuse : écoutez bien, vous, ma mère, vous, mes filles ! Ecoutez bien vous, mes sœurs et amies ! on m’a rapporté l’existence, non loin du domaine cependant, d’un donneur de baisers.
Finis les sanglots résonnant dans tout le château. Sans se prévenir, elles s’exclamèrent en chœur : «un donneur de baisers ? »
Il y eut des rires à profusion et pour certaines, plus complices, une euphorie de rêves à partager. Mais la doyenne Eléonore pourtant très réservée exprima sa méfiance.
« - Mes enfants, attention ! contre quoi ces baisers ! pensez-y ! … Non, mais voyons, c’est inconceva… »
Héloïse l’interrompit, enjouée, malicieuse :
« - Mère ! mais contre rien ! je vous l’assure. Il serait sourd et muet. Sa grand-mère qui l’a élevé, raconte à qui le veut, que selon lui, le baiser est don de Dieu. Elle ignore qui lui a enseigné cette devise qu’il se répète à qui l’entend : «Baiser se donne sans jamais prendre et rend heureux d’être reçu » ?
Chacune imaginait ce donneur selon sa convenance. Certaines étaient romantiques et ne demandaient qu’à offrir chaque partie de leurs visages et même leurs jolis pieds depuis si longtemps esseulés, d’autres rêvaient de baisers fous partout où la vie désire amour.
Après un débat sur les modalités de rencontre. Elles déléguèrent à Marie, la naïve, d’aller chercher ce garçon insensé qui les sauverait de leur détresse.
Quand il fut venu, prince ou berger, ce fut chaque jour, chaque nuit que les portes du château s’ouvrir à la tendresse. Elles ne manquèrent plus jamais de baisers.
Suzâme
(17/06 ET 2/07/12)
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Par Suzâme le 22 Février 2012 à 23:01
Est-ce parce que cette manifestation avait été médiatisée, qu’elle serait télévisée ? La foule arrivait bruyante mais sans confusion, envahissante mais réconfortante. Une organisation sécurisée pour un spectacle gratuit, en soirée, en été. De quoi raviver Lourdes, ville de foi et d’espérance.
Groupes associatifs et familles, handicapés accompagnés s’installèrent bien avant la présentation tardive. Le monde affluait bien au-delà des billets gracieux réservés des semaines à l’avance et créait non pas du désordre mais des rapprochements par affinités.
Astrid faisait partie de la chorale de l’église paroissiale, heureuse d’exprimer avec ses amis sa ferveur à l’égard de Sainte Bernadette Soubirous et de la Vierge Marie. Cette ambiance n’appartenait qu’à Lourdes. Son groupe était placé, en station debout pour plus de deux heures, côtoyant un autre rassemblant des jeunes muets et malentendants dont le comportement la distrayait du ronronnement grandissant du public.
La masse de croyants animés d’exaltation et d’attente se resserrait quand elle fut tout d’abord effleurée par son jeune voisin. En fait, elle crût rêver lorsqu’elle ne put repousser sa large main qui recouvrit la sienne. Une main chaude et inconnue qui cherchait sa paume pour se relier dans l’instant, peut-être pour communier. Celle d’un frère ? Celle d’un homme ? Celle d’un être.
La regardait-il comme une sainte ? Il ne quittait pas son visage altier, son front dégagé, ses yeux d’un vert irréel. Sans doute trop près l’un de l’autre pour qu’il ait une idée de ses formes, il observa juste qu’elle était un peu plus grande que lui, le jeune chrétien handicapé, épris d’amour spirituel et nourri de prières depuis l’enfance.
Autour d’eux, tout s’imposait comme un décor. L’ambiance propre aux grands spectacles les perturbait.
Soudain ni le lieu, ni ce programme prestigieux n’eurent d’importance. Leurs mains inséparables les entraînèrent en dehors de l’esplanade illuminée, loin de cette communion grandiose qui les avait attirés. C’est lui qui courait presque, anticipant chacun de leurs pas. Il connaissait la ville, ses quartiers imbus de boutiques à chapelets. Pendant que l’histoire de Jésus surgissait des enceintes et les acteurs des écrans géants, le soir lentement enveloppait les rues qui s’étaient vidées de tous ces promeneurs et clients potentiels.
Des sensations démesurées circulaient tout le long de son corps. Elle se laissa emporter par leurs mouvements à la fois de fuite et de rencontre. Où la menait-il ? Il la guida bientôt vers sa chambre, une sorte de mouchoir sous les toits frileux. Quelques marches de marbre sobre, puis un tapis à l’ancienne, un escalier en colimaçon, un parfum de poussières et d’eau bénite, puis une porte toute simple.
Qui étaient-ils pour avoir eu envie de s’échapper de leur sphère coutumière ?Déraison du soir. Oublier toute prière ici. Ne pas penser. ..
Avant d’enlacer son futur amant, elle repéra l’espace avec ses longs doigts nus, tira les lourds rideaux en velours tendresse, buta sur un crucifix qu’elle retourna, faillit tomber contre une chaise et c’est lui qui prit sa taille prononcée, ses hanches sculptées. Elle se moulait à son ombre virile maintenant qu’ils étaient volontairement dans le noir.
Son absence de paroles ? Aucun obstacle. Cette nuit avait un goût d’éternité. Certes, il était sourd et muet mais elle était mal voyante. Rien ne les empêchait de se découvrir plus encore, de se toucher sans fin, à l’écoute de leurs sens. Captivée par sa surdité, elle se mit à lui parler suavement : "Si tu savais Amour...ton corps... Ton corps est comme un arbre vivant... dont je suis le feuillage..."
S’il était pressé, il freinait sa fougue juvénile. Elle sentait qu’il n’avait rien d’un adolescent et pourtant quelque chose d’immature lui plaisait en lui. Astrid retint ses gestes un à un, comme si chaque vêtement était pétale. Elle était encore svelte. Ne refusait-elle pas le temps qui s’acharne injustement sur les solitaires ? Elle surprit sur ce beau torse soyeux, une médaille en relief qu’elle embrassa. Quel saint pour quel visage ? Chaque être est magnifique, miraculeux. Ne pas penser…
Tandis qu’il contrôlait sa force d’envie dans l’impossibilité de déclarer sa passion dévorante, sa sueur trahissait le volcan qu’il était. Astrid avait bien compris qu’il ne parlerait jamais, qu’il n’entendrait jamais leurs soupirs. Une rencontre sans honte, sans a priori qu’un lit sans frontière accueillerait.
A lui de deviner, les yeux brûlants, presque larmoyants sa beauté confirmée de lignes d’expression. A son tour, il la dénuda efficacement mais sans brusquerie. Est-ce que c’était pour l’étonner ? Il la souleva comme un bûcheron, fier de tenir entre ses bras, le premier corps merveilleux qui serait tout à lui.
Ils s’allongèrent comme un couple prés à fondre devant quatre murs impersonnels pourtant témoins de leur approche langoureuse dont Astrid calmait l’embrasement latent.
Elle aussi était exaltée et le surnommait secrètement Adonis. Liberté de dire son ivresse nouvelle, son incendie intérieur pendant qu’il l’investissait de toute sa curiosité presque animale comme s’il était affamé. Elle se retrouvait en lui, l’inconnu et sa chair existait.
De son côté, c’était la première fois qu’il accueillait des caresses aussi intimes. Il ne montra aucune résistance et s’abandonna, paupières closes à sa gestuelle. Il en aurait pleuré. Une telle initiation pour ses vingt ans ! Il était temps. Son corps n’en pouvait plus de vivre si loin de cette harmonie éblouissante.
Astrid était peut-être aveugle mais ses mains voyaient tout, savaient tout. Il acceptait toutes les audaces de la première femme de sa vie, fier d’être un homme vibrant depuis sa racine. Elle l’invita délicatement à promener ses lèvres sur son corps aussi féminin qu’une fleur tentatrice et généreuse. Ils avaient choisi de s’aimer dans le noir pour être égaux. Elle lui apprit les paysages de la volupté. Il s’attarda sur ses deux pointes de vie et se perdit dans son irrésistible profondeur.
Ne pas se noyer… Deux îles en irruption, deux corps au bord d’un bonheur indicible… Elle le convia sur elle, le serrant, le possédant de toute sa passion de vivre, l’aida à trouver l’endroit propice, puits du délice sensoriel, l’incita à un rythme tout d’abord tempéré à marquer ses assauts qui atteignirent progressivement une intensité telle qu’elle livra elle aussi ses doux délires, sa frénésie amoureuse. Il haletait presque essoufflé de tant plaisir, lâchant sa vigueur, presque vaincu par l’accélération de leurs deux cœurs.
Ne plus penser.Suzâme
(19/02/12)
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Par Suzâme le 27 Janvier 2012 à 04:36
La porte s’ouvrit brusquement. Deux matonnes s’imposèrent dans la cellule en compagnie d’une silhouette aux longs cheveux noirs, trop fine, si frêle, en disant à son hôte plus âgée :
- «Eva, on te fait confiance ! Prends soin d’elle ! L’infirmière vient de lui administrer un sédatif pour calmer ses délires."
L’autre géôlière renchérit avec malice :
- Mais ne va pas trop loin !... Ah au fait, elle se prénomme Jade. Elle te racontera bien son crime demain ! »
Eva ne répliqua rien à ces deux ombres en costumes d’opérette représentant l’ordre et la paix dans les prisons du monde.
Jade tenait à peine sur ses guiboles d’adolescente trentenaire et gémissait et divaguait :
«J’ai tué. Je veux mourir…»
répétant jusqu’au dernier murmure que le sommeil accueille :
«J’ai tué. Je veux mourir…»
«La pauvre fille», pensait Eva, «il me la livre comme un colis de chair. Je ne sais rien d’elle sinon qu’elle semble meurtrie comme un Christ.»
Ce n’était pas la première fois qu’elle partageait même brièvement cette piaule à rat, ce terrier sans nom, ce puits, dernier lieu de l’indifférence.
Elle observa la nouvelle arrivée si fébrile, fiévreuse peut-être, pleine de larmes de toute une vie. Puis n’y tenant plus, l’aida à se déshabiller, à s’étendre sur ce lit, radeau des solitudes.
Lui parler pour la rassurer. C’est important la première nuit quand tout se referme sur vous, sur vos actes, sur votre passé si récent qu’il devient présent permanent.
Pauvre petite tellement couverte d’hématomes, d’écorchures, de morsures comme si elle revenait de l’enfer d’un viol.
Eva ne savait encore rien sur cette criminelle qui comme elle probablement pour d’autres raisons, s’était défendue contre la violence d’un homme ou plusieurs.
Fatal ce séjour en commun entre quatre murs récemment repeints couleur pistache à la mode du dehors ? Non, simplement juste, se disait-elle dans un monologue sans répit, tout en se répétant :
«Elle a tué. J’ai tué…»
Impossible de dormir au-dessus de ce corps maltraité. Le silence envahissait la pièce insipide. Eva rejoignit sa codétenue, dépouillée de ses tissus superflus et contempla son joli corps sans défense, se fixant la promesse de ne pas l’offenser par ses fantasmes légitimes parce que leur première rencontre n’en était pas encore une.
Alors elle choisit de rêver à cette belle jeune femme, à ses formes fluettes de fée, secrètement ivre de l’entendre respirer. C’était son meilleur moment. S’approcher sans frôler sa poitrine aux tétons si petits. Résister à son sein gauche qui lui rappelait la fraîcheur d’un fruit à déguster de suite. Ecouter ce battement d’existence sourd et insistant. Laisser promener son regard, ici, là, partout. Dans les cachots de l’humanité, le corps n’est-il pas le dernier pays où voyage l’esprit ?
Peur d’être dérangée dans son extase. Elle seule assumait son attitude, ici et ailleurs. Elle regagna sa couche déserte.
Un bruit sec à la porte blindée l’avertit qu’elles étaient surveillées au rythme des rondes nocturnes des corbeaux tout aussi solitaires.
Eva revint au chevet de Jade. L’inquiétude ? Oui, mais elle ne se le cachait pas. Emergeait une couleur pure, l’attrait d’une nouvelle espérance à travers cette victime inconnue.
Elle était si près de son visage enlaidi par la souffrance, de ses lèvres encore pleines et déjà lasses. Non, elle ne ferait rien pour trahir cette beauté cachée par la souffrance et s’interdit l’envie d’embrasser même son front aussi vaste qu’un livre blanc.
Son regard caressait cette nymphe aux sanglots jusqu’à sa taille si prononcée, jusqu’à son ventre déjà blessé par la naissance, jusqu’à ses inévitables hanches osseuses, dures comme la vie des femmes repliées sur leur haine plus que sur leurs chagrins.
Etait-ce la tentation ? Eva savait qu’elle remontrait se coucher. Un peu de sommeil lui permettrait de tenir le lendemain, de mieux accueillir les premières clartés de cette fenêtre sans paysage.
Alors que Jade remuait dans ses tourmentes comme effrayée par ses fantômes, pour la veiller et seulement l’apaiser, Eva posa sa main chaude et tendre sur la sienne. Geste de vie, zeste d’amour.
Suzâme
(27/01/2012)
16 commentaires -
Par Suzâme le 11 Décembre 2011 à 23:44
Sa petite robe chasuble, simple et légère, ses escarpins de jeune fille juste un peu réhaussés pour exposer ses longues et jolies jambes bien dessinées, Isa attendait, pendant une nuit d’été incroyablement lourde, le dernier bus avant minuit. Elle sortait des entrailles bruyantes d’un théâtre, encore ravie de cette pièce de boulevard.
Brusquement une averse l’a surpris ainsi que quelques passants aux ombres furtives. La pluie était presque agréable pourtant elle prit peur. Sa solitude l’envahit. L’impression d’être seule dans la capitale. Avait-elle conscience d’être trempée ?
Que faire ? Le beau tissu imprimé qui enveloppait à peine son corps en début de soirée, la moulait, révélant des formes séduisantes qu’elle avait oubliées.
Prise au piège du déluge soudain, certes un peu tard, elle se recula sous le porche d’un commerce qu’elle n’avait pas identifié. Adieu la souple et harmonieuse ondulation de ses cheveux châtains roux. Elle était inondée de la tête au bout des pieds. Patienter stupidement en espérant que la nuit sèche son apparence devenue ridicule ! Elle n’eut pas à appréhender plus longtemps sa situation. Elle ignorait que sa posture de rêve faisait l’admiration de celui qui la contemplait depuis le début de l’intempérie.
Lui, le buste bien enveloppé, entouré d’un long tablier blanc ne résista pas plus longtemps à ouvrir la lourde porte de son restaurant qui soutenait le dos humide, les hanches fines de son apparition féminine.
Elle faillit perdre l’équilibre au point de tomber dans les bras fermes de cet inconnu tandis que sa chair sans défense frissonnait tout simplement de froid.
Il s’excusa avec un sourire malicieux que sa barbe ne pouvait pas dissimuler et la pria de s’abriter dans la salle désertée depuis une bonne heure.
Isa était gênée dans un contexte où elle ne maîtrisait plus rien. Elle se sentait maladroite, timide à l’opposé de son fichu caractère épinglé chaque jour par son entourage et n’osait lui dire quoi que ce soit lorsqu’il exprima les premiers mots de civilité nocturne en lui proposant un vêtement en rechange plutôt masculin.
« - Vous ne pouvez pas rester ainsi ! Votre corps est déjà transi et votre robe ne se repassera pas sur vous. Je vais vous donner une de mes chemises. Bon, un peu large et autre chose… mon second tablier. Il fera trois fois le tour de votre taille de guêpe ! »
Elle n’arrivait pas articuler la moindre phrase intelligible et croyait rougir à chacun des regards de cet homme corpulent et chaleureux. Comment sortir de cet espace qui l’attirait ?
Isa finit par balbutier :
« - Je ne veux pas vous déranger. Il est plus de minuit. Je n’ai rien à faire ici… »
L’homme de toutes les efficacités, même séduit, même troublé par cette belle inconnue d’une quarantaine d’années ne s’en laissa pas conter. Il la guida vers le fond de la pièce tout le long de laquelle des chaises renversées sur les tables assistaient à cet imprévisible duo. Puis tout en lui saisissant virilement sa main, ils franchirent un espace magique, sa cuisine.
Isa fut conquise dès ses premiers pas, pieds nus sur le carrelage italien, par mille arômes d ’un monde qui la dévoilerait et qu’elle n’avait pourtant pas sollicité.
Il reprit leur début de dialogue d’une voix rauque et chaleureuse :
« - Je vous laisse vous métamorphoser. C’est tout ce que j’ai. »
Il joua à s’éclipser derrière les deux battants de la porte qui vibraient pendant qu’elle se changeait et ne la perdit pas de vue au contraire. Il désirait déjà la belle qui se déshabillait, si longue, si svelte, la femme qu’il imaginait onctueuse et qu’un tissu printanier ou une vulgaire chemise magnifiait, que la nudité révélait comme le plus beau des fruits offerts à un homme. Il regardait avec concupiscence ses petits seins en forme de pommes à croquer, sa taille menue qui tiendrait dans ses paumes démesurées et le reste plus intime était à deviner.
Isa retenait une panique imminente. Elle ne supportait pas les lieux étrangers à ses repères quotidiens. Otage d’un paradoxe que nul n’aurait imaginé pour une fille aussi introvertie qu’elle. Elle hésitait entre le désir de s’échapper de cette auberge au décor envoûtant ; miroirs et tableaux de sanguines nues se reflétaient ; et le plaisir nouveau de découvrir tous les parfums de cette alcôve irrésistible.
Il lui proposa un café gourmand avec un soupçon d’absinthe. Elle osa un mot qu’elle répéta bêtement trois fois : « Merci… »
« - C’est tout ! renchérit-il avec une joie manifeste.
J’ai l’air d’une godiche et je suis moche comme tout…
Mais non ! Bien au contraire ! N’êtes-vous pas mieux ainsi ? Oh et puis et si on décidait ici, maintenant, de se tutoyer. La pluie permet tout, n’est-ce pas ?
Je ne sais pas si … On ne se connaît pas.
Ils étaient installés ainsi. Elle, assise sur une fesse, refusant le confort de la banquette rouge en retrait des fourneaux, la banquette de feu du chef cuisinier et lui, en face d’elle installé bien au fond de sa chaise. Soudain, il ne put retenir davantage les convenances et confia sans détour à celle qui était désormais si vulnérable.
« - Je m’appelle Georgio et depuis le début j’ai envie de vous. Qu’est-ce que je dis ? J’ai envie de toi. Tu m’attires. Oui, tout me plait chez toi. Chut ! Ne me répond pas. Je suis fou de ta présence. Tu sais, la tentation est reine dans ce lieu de succulence. »
La grande Isa se serait bien enfuie subitement. Elle avait peur d’elle-même, de ses sens qu’elle n’écoutait plus depuis un siècle. Et pourtant elle céda à la large main chaude de Georgio entourant la sienne alors qu’elle tenait fébrilement son élixir trop sucré.
C’est à partir de ce rapprochement inégal - il ignorait son prénom, ses intentions – que tout bascula et ce fut comme un délire de caresses folles, de baisers insensés.
Elle se croyait raide à pleurer, peut-être même insensible depuis ses années d’abstinence volontaire mais sous l’emprise de cet homme qui s’était à demi dévêtu et appuyait sur elle son torse soyeusement velu, elle résista un peu comme un arc tendu, prononça plusieurs fois un mot doucement négatif mais sans conviction puis délivra ses pulsions, sa sueur, son odeur, son corps, son être.
Tout en se déshabillant d’une main, il avait approché une desserte garnie de verrines variées pour stimuler tous leurs goûts.
Sans la prévenir, il lui fit déguster une gelée de gingembre sur le bout de sa langue en un baiser fondant puis de ses doigts qu’il trempaient comme cuillères dans les petits pots du diable, il badigeonna les seins de son amante apprivoisée, son ventre, son nombril, son île de Vénus.
Isa enivrée d’amour à son tour chevaucha cet être enrobé et brûlant de désirs pour elle, la femme désert comme elle se surnommait avant cette rencontre fortuite.
Il aima son audace cavalière qui l’excitait jusqu’à la lune mais rêvait encore de la couvrir de toutes ses mixtures, crèmes à la vanille, aux noisettes et au chocolat, gelées de gingembre et de framboise, de groseille qu’il lècherait avidement sur sa chair dont il s’était épris dès le premier instant. Il s’en dégagea avec une force, une souplesse, une adresse presque animales et la rejoignit cette fois-ci sans plus de contrôle, aimanté par l’endroit des délices, se fondant à l’autre, celle qui recueillait sa source. Il renouvela sans compter ses assauts d’amoureux, fier de son membre délicieusement vigoureux.
Leurs soupirs alternés de cris atténués par les bruits sourds des armoires frigorifiques ne sortirent pas de ce temple improvisé. Ils étaient simplement heureux d’être, heureux de s’aimer. Est-ce si grave ?
L’amour serait-il un des antidotes à la solitude ? Ah non ! Ici, pas de philosophie, que de la gourmandise, rien qu’une fête aux désirs un soir de pluie.
Suzâme
(11/12/11)
13 commentaires -
Par Suzâme le 30 Novembre 2011 à 07:40
Elle entoure sa contrebasse
Sa taille tendre, ses hanches
Joue l’accord juste, l’embrasse
Belles caresses s’épanchent.
Elle aime sa corpulence
Ses épaules douces, son ventre
Joue le geste fort, s’élance
Sublime passion des seins, de l’antre.
Suzâme
(30/11/11)
12 commentaires
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