• Elle est tellement belle avec ses mains cachées au fond des poches de sa robe bigarrée. Ses cheveux auburn glissent sur ses hanches rondes et tendres, soie fluide, torrent sombre...

     

    Tout donner de ses instants à ceux qu'on aime, invisiblement poser chaque cube des heures, disposer délicatement l'échafaudage de chaque jour éblouissant, sans savoir vraiment que la forteresse grandiose de l'Amour se construit naturellement, intensément à bout de bras dès la jeunesse avec passion et déraison.

     

    Tout aimer de l'être jusqu'à ses démons, un par un, oh seulement ses ombres qui apparaissent par intermittence juste dissimulées par la flagrance de la lumière comme des mots crus, jetés sur le lit, tranchés au couteau des réalités ou d'insondables silences.

     

    Le sablier explose. Le sable s'étale puis s'éparpille. Elle a la quarantaine et le temps qui s'échappe de son visage à cause d'une blessure, d'une chose imperceptible pour son entourage qui fissure ses yeux démaquillés, aussi nus que son âme meurtrie. Elle se sent comme rose au fond d'un vase vide, jadis généreux, incontournable par sa simple présence.

     

    Tout quitter de ce royaume sans fin appelé aussi Bonheur, son immense salle, sa table animée de couverts plein d'appétit, ses chambres et son alcôve, bruits et parfums, chaque recoin de tendresse.

     

    Tout prendre du regard dans un seul vertige, toucher ce partage dissolu, ce monument écroulé sans ruines apparentes en quelques mots assassins qu'elle ne saura jamais confier.

     

    Le désamour tue le jour, dévaste une vie aussi sûrement que la haine mais avec la douceur d'une source empoisonnée dans le verre d'un chagrin à naître.

     

    Qui lui dira? «Tu es magnifique à chaque seconde parce que tu existes, parce que tu penses la vie sans cesse avec poésie et surprends l’instant et métamorphose d’un seul regard chaque âme aimée, chaque objet choisi, saisi, si souvent embelli...»

     

    Sur son île où l'amour dévore l'espace, les êtres s'épanouissent comme les fruits de l'insouciance, éclaboussés par le soleil de son cœur.

     

    Suzâme

    (6/05/11)


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  • Elle les porte, les câline. Ses bras sont maternels. Les voici qui frôlent ses joues, ses tempes grisonnantes.

     

    Nul ne sait qu’ils habitent son cœur en l’absence de l’amour. C’est ainsi qu'elle les prend dans sa vie.

     

    Au-delà des saisons, ces trois petites choses, ces trois petits chats qu’elle ne voit pas grandir, qui ne la voient pas vieillir, ronronnent inlassablement le merveilleux poème de leur tendresse.

     

    Suzâme

    (31/05/11)


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  • Il bat si fort la démesure. Après un long sommeil, des fausses notes, timides et tendres. Une fois réaccordé, le premier morceau dont on se souvient fait presque pleurer.

     

    Tout est là dans les trois notes du début. La mélodie arrive en pleine lumière, un trésor d’harmonie que seul le musicien reconnaît. Il n’y a pas d’improvisation et la sincérité ne se joue pas. Les cordes sont en place depuis longtemps et ne demandent qu’à vibrer.

     

    Cet étrange instrument est comme un corps immense et invisible qui ressent tout ce qui l’éveille. Il peut vivre dans l’ombre pendant des jours qui semblent une éternité. Il craint de prendre la poussière, de s’enrayer, de tousser au fond de son silence si rempli, si nourri mais il sait aussi que la vie peut l’appeler pour interpréter une partition même si c’est celle qu’il connaît le mieux parce que d’amblée, il a le rythme. Et, de pianissimo à moderato, si jamais il s’emballe, pardonnez ses élans qui viennent de si loin, de l’oubli parfois.

     

    Ces trois notes préférées, il ne les exprime pas toujours. Le son s’absente lorsque l’émotion s’amplifie. Est-ce parce qu’il a vieilli dans sa cachette ?

     

    Quel étrange instrument que ce cœur ?

     

    Suzâme

    (01/06/11)


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  • Je connais une mouche qui aime lire. Elle se pose juste sur le mot que mon œil s’apprête à saisir et m’empêche de lire. Alors je referme le livre un instant et presque dès son envol, l’ouvre à nouveau sur la poésie.

    Mais l’intruse revient silencieusement. Aimerait-elle «Les lettres à Lou» de Guillaume Apollinaire ?

     

    Suzâme

    (6/05/11)


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  • Pardon Dieu ! Pardon Maman ! Pardon Papa !

     

    C’était le mot à dire après une bêtise à moins de se cacher longtemps sous la table ou de rejoindre les vagues.

     

    Fredo se souvenait de cette tension et ce n’était pas un jeu à l’époque des grandes familles. L’Education était la première chose avec la Religion. Les murs transpiraient de principes et entendaient et regardaient tous les menus bonheurs, gardaient quelques sanglots incontrôlés.

     

    Pardon Dieu ! Pardon ma Femme ! Pardon mes Enfants !

     

    Fredo a tout quitté pour les quais. Se libérer d’une vie encombrante, un vrai chariot de contraintes à partager sans cesse. Abandonner femme, enfants simplement en franchissant le seuil de la maison et sans préméditation.

     

    L’aube a décidé pour lui. A l’heure où il aurait dû pointer à l’usine, il s’est dirigé vers Paris et son rêve à travers la Seine, long chemin d’infini, complice de ses silences, de ses fureurs, de ses folies vagabondes.

     

    Pardon Dieu ! Pardon mes Amis !

     

    Fredo a-t-il regretté son passé ? Ce puzzle de marbre et de feuilles où apparaissent par intermittence avec la pluie et le froid:  Jacky, le copain d’enfance ; Hervé, le témoin des mariés ; Père Jean-François, fidèle et patient curé de sa ville natale et surtout Johanna, l’amie des amies et également sa femme, dite «la généreuse» aussi.

     

     Sa mémoire reste comme un fond de bouteille, s’accroche à sa tête et le rend parfois fou. Il erre sans autre miroir que le fleuve insondable et boit toute sa vie.

    Suzâme

    (2/05/11)


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