• «- et ne dites-pas que tout l’accuse !» s’exclame un homme à l’habit de corbeau. Il reprend d’une voix imposante, aux tonalités modulées et excessives.

     

    «A-t-elle été un seul jour une intruse pour qui que ce soit ! sinon pour elle-même, je vous l’accorde…»

     

    La foule applaudit comme devant une comédie burlesque. Un vrai délire ! alors que le jugement de l’âme devant le tribunal de l’existence mènera indubitablement au non lieu.

     

    Suzâme

    (22/04/11)


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  • «Pietro, qu'as-tu fait de tes beaux biceps de marin tatoués d'amour ? Sur les muscles tentants de ton bras droit, Chéri, qu'est devenue la femme au ventre de printemps et sur ton membre gauche autrefois si galbé, la femme aux seins d'été?...»

     

    «Retourne-toi un peu !

    Pietro, qu'as-tu fait de ton dos, celui de tes victoires, du paysage gigantesque de ton village corse perché sur la corniche et ses oiseaux libres et ses fleurs épanouies?...»

     

    «Allez, assis-toi, mon seul Amour. Je ne te reconnais pas.

    Pietro, qu'as-tu fait de ton buste puissant, ton poitrail évinçant tous les mauvais coups de l'ombre, à peine envahi de ce poil animal, rebelle aux tourments? Et ce navire peint sur ta peau ruisselante, foulant la tempête, si fier, si fort comme toi?..»

     

    «Tu trembles! Donne-moi tes mains, détends-les sur mes cuisses offertes!», insiste plus suavement Ariela, son amante de toujours. «Toi qui me sculptais, je ne les reconnais plus. Tes mains, elles étaient tout pour moi.... La dernière fois mon corps conquis se cabrait à la moindre caresse!...»

     

    «Lève-toi ! viens vers moi !

    Pietro! Qu'as-tu fait de tes jambes, piliers de ton existence, toi mon marin, mon homme, héros de tous les océans, prince de toute ma vie ? Les roses qui grimpaient, qui enlaçaient tes muscles hâlés, et leurs épines attendrissantes et ta jungle au milieu, notre île, si riche de nos parfums, de nos délires...»

     

    «Pietro ! Qu'as-tu fait de ton corps, ta forteresse et notre fête ?»

     

    Ariela rafraîchit son amant avec une étoffe bigarrée, lavée, purifiée par la mer, en lui frottant délicatement sa silhouette maintenant allongée, fatiguée, comme un soldat revenu de ses enfers. Elle lui dessine du bout de ses doigts amoureux, dompteurs d'instants sublimes, les mouvements de leur passion, les ralentis, les ressentis de sa patience. Elle lui chante doucement ses attentes et ses prières.

     

    «Pietro! Qu’as-tu fait de tes lèvres au goût salé, donneuses d’ivresse ?

    Pietro ! Mon Piétro ! Qu'as-tu fait de ton coeur, ton tambour, notre amour?

    et de ton regard d’aigle jaloux !...

    Mais tu pleures!»

     

    Pourvu que le temps préserve les sentiments. L’amour a tous les visages.

     

    Suzâme

    (20/04/11)


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    1459.jpg

     "La robe transparente" de Marc Jallard

     

     

    peinture sur toile, réf. 1459 ©

    Site : http://www.galerierambaud.com/index.php

     

     

     

    Elle a dit non à la mort en laissant la vie, son corps et ses bagages.

    Elle est partie les yeux ouverts jusqu’au firmament.

    Elle a choisi cette douce lumière, à la source des murs et

    préféré joindre ses mains à l’âme du silence.

     Elle ne se retourne pas. Sa voie est en elle, reliée à l’infini.

    Elle a vaincu ses chaînes et ses chimères et sa longue robe

    et son voile transparents lui donnent des ailes.

     

    Maintenant, elle croit en elle.

     

    Suzâme

    (18/04/11)

     


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  • Il ne se reconnaît plus. Et ce n’est pas que sa face creusée par les tourmentes de l’enfermement, ni ses lèvres désertes qui lui renvoient ce sentiment envahissant devant Psyché. Celle qui lui présente brusquement, de façon inopportune et angoissante, un scarabée, sosie de son instant.

     

    Il ne comprend pas ce qu’il voit et se croit défigurer. Ici, nul ne l’appelle par son nom. Il est seul depuis toujours et sa respiration résonne depuis des siècles de secondes dans sa cellule.

     

    Il se fait peur devant ce miroir aux effets fantastiques. Quelques pas de recul, dans le doute... Il se sait nu dans sa solitude, fragile devant l'heure qui suit et finit par se parler : «Est-ce que je ressemble tant que cela à ce scarabée ?»

     

    Il rejoint son lit, barque de ses pensées, de ses dérives et sa vision revient, s’ouvre, s’élargit, accompagnée de petits bruits de pattes, de petits bruits de vie qu’il rêve d’entendre.

     

    Ni gardien, ni visiteur ne lui auront confié avant sa rencontre avec la liberté, cette fameuse légende du scarabée et la raison de son apparition au fond du miroir des jours ?

     

    Après les braises, prémices, caresses de la mort, le scarabée s'assoit sur le soleil ressuscité, incarnant la renaissance après les cendres.

     

    Bientôt Luis sortirait de cette double forteresse ; les murs et lui, cet être devenu amer, replié et sans espoir.

     

    Il ne sait pas encore que ses prunelles recouvriront instantanément un vrai regard vivant dès qu’il surprendra les mouvements de la rue, la danse des forêts et d’infinies couleurs en reflets intimes, contrastés et nuancés dans les yeux des autres, ses êtres libres comme lui.

     

     Il ne pressent pas encore l'indicible musique qui l’attend dehors.

     

    Suzâme

    (17/04/11)


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  • Elle porte la bague de tous les pouvoirs. Son nacre solaire donne l’amour à la main solitaire qui n’a d’autre nom que celui de la Vie.

     

    Cette bague ne brille que pour l’être qui rêve en silence. Elle ouvre tous les passages de l’esprit et des sens. La nuit, elle métamorphose les couleurs, traduit tous les langages de l’immensité.

     

    L’âme ne sait rien de son espace.

     

    Suzâme

    (15/04/11)


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