• La ville ruisselait de sueur. Canicule ? La foule augmentait de jour en jour et le soleil prenait et gardait sa place.


    Lui ne vivait pas avec les saisons mais avec les corps dans toutes leurs allures et peu importe les origines et les  âges !


    Lui vivait hors du temps parce qu’il poursuivait quelque chose que nul ne discernait. Il n’était pas dangereux pour la société, à peine gênant puisque nous étions dans l’ère de la liberté et de l’indifférence. Mais il paraissait hanter les rues en délirant, dans une quête effrénée des hommes et femmes entraînés par la mouvance du jour.

    Soudain, imprévisible et dérangeant, il se précipitait vers l’un d’eux, les interpellant :

    «- Bonjour ! Quel est ton corps ? »


    On le prenait pour un S.D.F., un obsédé, un fou tandis qu’il déambulait avec la même question, fixant étrangement son sujet à une distance raisonnable.


    Un jour une silhouette féminine belle et assez mûre s’énerva, l’insulta :

    « - Espèce de vicieux, t’as pas honte non, de fantasmer sur une femme respectable ! »


    Il lui arrivait de secouer légèrement le bras d’une inconnue pour se faire comprendre sous sa barbe hirsute et négligée avec cette question surréaliste. Mais qui savait qu’il sélectionnait sa prise, c’est-à-dire l’objet de sa course insolite, par exemple,  cette  autre femme plus âgée, encore si svelte sur l’asphalte.


    Qui était-il cet étrange suiveur ? Un être assez grand, paraissant fébrile en raison de son dos incliné, grand comme un héron urbain, mal habillé, la chemise désinvolte, les chaussures poussiéreuses, enlacé d’une écharpe aux couleurs passées, froissée, sans saison.

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    D’après une gardienne, il faisait tous les jours son espèce de manège dans le quartier.

    Un matin, sur le trajet d’une école, une mère prit peur et courut, hurlant en s’adressant aux autres accompagnées de leurs enfants :

    « -Attention à l’étrangleur ! »


    De quoi le suspecter, le rejeter. De quoi le plaindre. A-t-on idée d’insister avec une telle question «Quel corps as-tu ?». Le mystère de son obsession n’en était pas un pour tout le monde.


    Les commerçants, les voisins le connaissaient bien et le surnommaient Modi. Certains lui rendaient service parce qu’il ne s’occupait pas des réalités.


    Modi ne pensait ni à se nourrir ni particulièrement à dormir et pourtant il n’était pas pauvre. Pendant qu'on le montrait comme un rôdeur, il cherchait les lignes et mémorisait les formes de la vie.


    Que poursuivait-il et pourquoi ? Les rondeurs dénudées, chaloupées mais aussi les ombres habillées de façon stricte ou désinvolte à la démarche virile. Les déshabillait-il tous de sa perception inopportune ? «En proie à ses démons», aurait dit sa mère sicilienne. Tel un animal, Modi flairait son but, s’approchait et regardait l’être choisi, le contournait, se reculait. Un comportement insensé qui le menait souvent à une querelle qu’il fuyait d'ailleurs toutefois jamais sans son butin.

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    Il habitait un royaume. Nul autre que lui n’y pénétrait sinon un intrus qui insisterait à gratter le teint opaque et sale d’une des vitres de cette sorte d’annexe ou de dépendance au fond d’une cour presque oubliée, un espace couvert de lierre, un lieu à surprendre, son lieu de repli.

     

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    Cette personne anonyme exista et après avoir collé son œil comme aspiré par une vision, disparut vite en emportant le vertige de ce qu’elle avait vu. L’inconnu ne marchait plus sans être envahi par sa découverte et décida d’en parler à sa psy.


    Ceci est confidentiel. Il aurait pu le dire à son curé. Il n’en avait pas, croyant depuis longtemps que Dieu l’avait déserté.


    «Pris d’un accès de curiosité incontrôlable, je me suis comme scotché à ce trou pendant une heure, attiré par des corps dessinés, peints et même sculptés, des corps géants de toutes les formes, de tous les âges, des beautés comme des monstruosités mais aussi des détails comme une épaule, un sein, une main… des sortes de gros plans à part sur des immenses feuilles et même du carton et bien d’autres matières.

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    Pierre Masquelier

    (collection privée)

     

    J’étais tout seul et l’ai même surpris dans un état de transe. Il dessinait si vite, si violemment qu’il en cassait ses fusains. J’ai failli rester. Je ne savais plus où j’étais. Je crois bien que la concierge m’a bousculé, a tiré ma manche, m’a dissuadé d’insister. Combien de fois j’ai failli revenir. Docteur, suis-je un voyeur ? Ce que j’ai scruté ne quitte plus mon âme. C’était fou. C’était beau… »


    Modi était artiste.

    Suzâme

    (28/09/11)

     

    N.B. Over-blog a un un problème. Pour l'instant je n'ai pas pu modifier l'agencement de mes photos dans la mise en page de cette nouvelle. De même que je n'ai pas pu insérer ce texte à partir de Word. Décidément. Je tenterai ma chance dans les prochains jours.                    Heureuse lecture

     

     

     


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  •  

    A l'origine mon petit texto écrit à Noirmoutier en mai dernier envoyé à Plume hier après sa réponse à mon appel aux textoésiess:

     

    J'écoute la mer rêver

    sa joue contre l'azur.

    (18.05.11)

     

     

    J’écoute les galets soupirer

    Sous les caresses de la brise.

     

    J’écoute le soleil semer

    Son or au firmament.


    (6/10/11)


    http://demauxenmots.over-blog.com/

     

     

    Mon écho :


    Galet d’existence

    Fidèle à l’océan

    Acolyte de mon âme

    Dis-moi que demain

    Ne sera pas de sang

    Mais une jolie flamme.


    (6/10/11)


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  •   

    Le ciel ce soir a prit ses pinceaux.

    Il colore la vie en bleu et orange.

     

    (6/10/11)

    http://hauteclaire.over-blog.com/


     

    Mon écho

     

    Ciel aux couleurs de palette

    délivre nos rêves en poèmes

    Et l’être s’oublie dans l’extase.

    (6/10/11)

     


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  • Si tu frôles la pierre

    Tu seras secret.

     

    Si tu remues la pierre

    Tu seras source.

     

    Si tu soulèves la pierre.

    Tu seras sang.

     

    Si tu reposes la pierre.

    Tu seras sens.

     

    Suzâme

    (30/09/11)


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  • Je remue la poésie

    dans cette flaque

    qui ne serait que miroir.

    Soudain, la pluie parle

    Clapotis des mots.

     

    Suzâme

    (5/10/11)

     

     

     

    En écho...

     

    Poésie sur les ondes

    Les mots filent dans l'air

    et se répondent

    au gré d'images brèves.

     

    Hauteclaire

    (6/10/11)

     

    http://hauteclaire.over-blog.com/

     

    N.B. Un "textoésie" est un envoi de poésie instantanée unique et précieux par téléphone portable. J'aime en transmettre sans abuser de ce plaisir aux êtres sensibles aux moments propices, sublimes que l'inspiration propose. J'ai découvert que cette écriture immédiate avait un moyen de communication privilégié.

    Comme Hauteclaire et quelques autres déjà, vous pouvez recevoir un textoésie, me répondre ou non. Si vous le désirez, vous pouvez m'en envoyer. Et pourquoi pas être plusieurs à écrire en écho d'un premier textoésie.

    Alors si vous êtes tenté(e)s, n'hésitez pas à me laisser vos coordonnées par le biais de ma messagerie. Ce partage fugace n'en est pas moins poétique. Merci de votre confiance. Suzâme

     


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